Le choix
Choisir, c’est préférer une chose à une autre, sélectionner une option parmi tant d’autres, se déterminer entre plusieurs choses. Quand il s’agit de la vie ou de la mort d’un bébé, peut-on encore parler de choix ?

Quel choix?
A écouter les bons conseils des médecins, la seule solution envisageable serait l’IMG. Après tout, je retenterais ma chance lors d’une prochaine grossesse, m’a-t-on assuré. Comme si une autre grossesse allait effacer celle que je suis en train de vivre, un autre enfant remplacer celui que je porte. Ce bébé existe ! Nous lui avons trouvé un prénom, Angelina, elle deviendra fatalement un ange, notre ange. Mon bébé qui grandit in utero ne survivra pas à sa maladie létale. Qu'en est-il de notre projet de l’accueillir, du lien qui l’unit déjà au reste de sa famille? On nous demande de penser autrement l’avenir de notre bébé qui est désormais synonyme de mort.
Nous avons le choix entre le pire et le moins pire! Choisir de donner à notre enfant une courte vie à l’hôpital ? Choisir de précipiter sa mort avant sa naissance? Prendre la décision de l'interruption médicale de grossesse, c'est accepter le fœticide, c'est choisir de donner la mort à son enfant. Souhaiter accompagner son enfant en réanimation, c'est déplacer la mort dans l'espace, repousser la mort dans le temps. Est-ce vraiment un choix?
La décision du père
A ce stade de la grossesse, le bébé existe uniquement dans la tête du père, il ne chemine pas de la même façon que la mère qui porte l’enfant dans son corps et pense aux différentes issues possibles. Le père pense la grossesse d’une manière cérébrale et ne crée pas de lien rapidement avec l’enfant à naître. Il peut être amené à voir une seule solution, faire cesser d’exister cet enfant par l'IMG afin de revenir à la situation d’avant, d’effacer les mois où le bébé était présent.
Mon conjoint ne veut pas repousser l’inévitable et encore moins entendre parler de soins palliatifs. Choisir l'IMG rapidement lui permet de se protéger et de me protéger (à tort) d'une souffrance qu'on pourrait abréger si on le souhaite. Ses mots me transpercent le cœur, sa première réaction est violente. Comprend-il que je vais accoucher en toute conscience d’un bébé mort, de notre enfant sans vie? Que ce n’est pas une petite intervention chirurgicale qui fera disparaître le ‘problème’ et nous faire revenir à notre vie d’avant? Plus rien ne sera comme avant.
Je ne peux pas lui en vouloir de penser ainsi, chacun réagit différemment face à ce genre de décisions. Lui comprend que me séparer de notre bébé nécessite de me sentir prête et que j'ai besoin d'un peu plus de temps que les huit jours que le corps médical veut bien m’accorder.
Ma décision de mère
J’ai cheminé lentement, progressivement grâce aux différents témoignages des paranges via les forums, en particulier celui de l’association Petite Emilie. Au bout de cinq longues semaines de réflexion, j'ai pris ma décision. Une décision irrévocable. C'est moi qui ai officiellement décidé de la mise à mort de mon enfant. C'est ma signature sur ce fichu document qui acte la demande de l'IMG (le père n'a pas pu se libérer de son travail). C'est donc ma responsabilité, ma culpabilité! C'est à travers mon ventre que le médecin a réalisé le geste, a procédé à l'euthanasie fœtale, a tué mon enfant. C'est moi qui ai donné naissance à mon bébé sans vie. C'est moi qui lui ai donné la mort. Je dois vivre tous les jours avec cette terrible décision.
C'est aussi et avant tout notre choix de parents. Celui de décider en notre âme et conscience de laisser notre enfant partir vers les étoiles pour lui éviter trop de souffrances physiques. Celui de protéger nos autres enfants des allers retours au service néonat de l'hôpital et du traumatisme de voir les malformations sévères de leur petite sœur. Celui d'accepter notre incapacité à accompagner notre fille dans sa courte vie et à la voir rendre son dernier souffle dans nos bras. Celui de garder notre place de parents, de couple, la place de nos enfants dans notre famille. Celui de ne pas nous perdre nous-mêmes en plus de la perte de notre bébé.
Être libre de son choix
Il n'y a pas de bonne décision face à la maladie létale de son enfant.
Chaque parent est libre d'accueillir son enfant en vie ou de faire naître son bébé sans vie.
Chacun fait son choix selon ses convictions personnelles.
Aucun choix ne demande plus de courage qu'un autre.
Aucun choix n'acte plus l'amour pour son enfant qu'un autre.
Aucun choix n'a à être jugé, validé ou imposé par autrui.
Chaque choix mérite le respect et la bienveillance.
Angelina, ce choix je l'ai fait pour toi, pour notre famille, pour moi. Je sais que tu m'as pardonné, reste à moi de me pardonner.
A toi, l'étoile la plus brillante dans le ciel.
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